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Le sourire franc et le débit en rafale, Raphaël Poulain est un sacré personnage, plein de verve et de gouaille. Fort de sa formation de coach mental et ses études de philosophie et psychologie entamées après la fin de sa carrière de rugbyman professionnel, il s’est aujourd’hui reconverti en conférencier dans le monde du sport et de l’entreprise. C’est précisément ce qui l’amène, en cette soirée du 11 avril 2023, à s’adresser à l’ensemble du groupe du Rugby club ouest Provence Fos-Istres, dans son club house du complexe Parsemain, à l’invitation du président Thierry Zegrar et de son équipe dirigeante. Christian Pantoustier, l’adjoint délégué au Sport, est venu réaffirmer le soutien constant de la mairie, accompagné par Jean-Yves Ramos, président de l’Office fosséen des sports.
Le club s’apprête à vivre une période décisive de son histoire, qualifié pour les phases finales du championnat territorial de Régional 1, après un superbe parcours qui l’a vu terminer sa saison régulière premier de sa poule (13 victoires pour 5 défaites). Le 23 avril prochain, le RCOP se déplace à Saint-Saturnin-lès-Avignon pour disputer la demi-finale. Et, en cas de victoire, il ne restera plus alors qu’une finale à remporter pour accéder à la Fédérale 3, 1er échelon national et 5e division du rugby français, ce qui serait une première historique. Face aux Vauclusiens de Saint-Saturnin, la partie s’annonce serrée mais jouable : le RCOP s’est incliné lors de leur dernière rencontre en championnat, mais les joueurs blessés et suspendus qui lui avaient alors manqué seront de retour pour la demi-finale. Alors histoire de mettre le maximum de chances du côté des rugbymen de Parsemain, une bonne séance de coaching mental signée Raphaël Poulain ne fera pas de mal.
Promis à un avenir doré lorsqu’il est recruté par le Stade français en 1998, à l’âge de 18 ans, le jeune picard – Amiénois de naissance – se forgera un palmarès riche de trois titres de champion de France et deux de vice-champion d’Europe. Mais gare à ne pas s’arrêter là : en réalité, il apparaît comme l’espoir déchu du rugby français, à la carrière gâchée par un nombre incalculable de blessures, pour finir en queue de poisson à seulement 26 ans, le corps ruiné. C’est cette histoire qu’il est venu conter devant la salle comble du club house : « J’ai une c… en moins, deux épaules en carton, un bras en sucette », résume-t-il avec son franc-parler et son langage fleuri, s’exprimant comme on le fait dans un vestiaire de rugby. Des blessures souvent stupides, causées par le manque de chance, un comportement immature ou une hygiène de vie affectée par ses excès de fêtard, pilier des troisièmes mi-temps. « J’étais un enfant dans un corps d’adulte », confie-t-il. Mais le message qu’il est venu délivrer dépasse cette suite tragi-comique d’accidents et a trait aux leçons qu’il a tirées de son parcours de vie, entre la gloire éphémère puis la déchéance lorsque tout s’arrête soudain, la dépression et la précarité, ne survivant à une époque que par le RSA. Avant de renaître de ses cendres après une remise en question complète et la quête de son identité, au-delà du rôle de superman boute-en-train dans lequel s’est perdue sa jeunesse. « Les titres, c’est bien ; j’ai trois boucliers de Brennus mais ils prennent la poussière sur une étagère, résume Raphaël Poulain. Ce qui reste et ce qui compte, c’est l’intensité des émotions vécues ensemble, l’amitié entre hommes, l’aventure humaine que vous allez vivre ensemble. Profitez-en, elle vous appartient. Amateurs ou professionnels, le vécu est exactement le même. Et au sein du groupe, remplaçants, réservistes, titulaires ou coupeurs d’oranges, tout le monde a la même importance. Il vous reste 160 minutes pour écrire l’histoire du club ! » De quoi regonfler nos rugbymen à bloc !
Olivier Bonnet
Raphaël Poulain a raconté son parcours dans un livre coécrit avec Thomas Saintourens, Quand j’étais Superman (Robert Laffont, 2011)